GroupeLe Guide des femmes disparues
Texte bilingue anglais/français, Forgotten women of Geneva | ||
Prix Zora la Rousse du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes. |
« Le nombre des femmes qui donnent leur nom à des rues genevoises est dérisoire comparé à celui des hommes célèbres qu’elles commémorent. En vous promenant à Genève, vous pouvez en découvrir sept seulement : l’avenue Sainte-Clothilde (entre 475 et 545), la rue et la place de la Madeleine (à partir du 15e siècle), la rue Madame de Staël (1706-1817), la rue Amélie Munier-Romilly (1788-1875), le chemin Marguerite Champendal (1870-1928), la rue Isabelle Eberhardt (1873-1904), la rue Emilie Gourd (1879-1945).
« Les noms de rue désignant des métiers et des lieux du travail féminin ont disparu au fil des années. Il ne reste que la promenade des Lavandières, et la rue de l’Indiennerie. Le square de la Blanchisserie a disparu il y a quelques années, au moment où une banque est venue s’installer sur ces lieux. La rue des Belles-Filles est devenue la rue Etienne Dumont. Nous nous demandons pourquoi c’est Louis Baulacre, plutôt qu’Elisabeth Baulacre qui est associé à une rue, pourquoi Jacques Necker est éternisé mais non Albertine Necker-de Saussure.
[…]
Et cependant, est-ce un hasard si une seule femme, fantôme à sa fa,on, a le pouvoir de faire sortir toute la population genevoise dans les rues ? De Catherine Cheydel, connue sous le nom de Mère Royaume, nous ne savons pas grand-chose sinon que selon la tradition, elle se serait emparée d’une marmite et l’aurait lancée sur l’envahisseur, en l’occurrence un soldat savoyard. Ce fut pendant cette nuit historique du 12 décembre de 1602, quand la Savoie voulut s’emparer de la ville de Genève. Mais les citoyennes et les citoyens étaient courageux, et cette victoire marque la liberté républicaine contre l’assujettissement monarchique. L’Escalade, ainsi l’a-t-on nommée, est restée la plus grande fête nationale genevoise, la Mère Royaume son effigie. Maisqu’ enseigne-t-on aux enfants des écoles , la seule image féminine historique issue de la culture populaire ? Celle d’une femme courageuse, forte et plantureuse … et ménagère, bien entendu !
Les historiennes de GRAFFITI sont parties sur les traces des femmes à Genève. Elles ont épluché les sources des Archives d’Etat, de la Bibliothèque Publique et Universitaire, de la Maison Tavel, des archives privées. Grâce à leurs recherches, elles ont réalisé des travaux académiques avec le parti pris de montrer les différentes facettes de la vie des femmes à Genève. Surtout, elles ont posé un nouveau regard, “sprayé” par leurs mots d’autres couleurs sur la ville, non pour que demain des femmes trônent sur le mur de la Réformation, mais plutôt pour que l’histoire des femmes genevoises dépasse la légende d’une Mère Royaume, d’une Madame Piaget ou d’une Louise Sarrasin, et que les femmes sortent de l’image du rôle ménager et maternel dans lequel les historiens genevois les ont enfermées.
[…] Avec cet ouvrage, vous pourrez vous promener,en solitaire, à la recherche de certains lieux de l’histoire des femmes à Genève.Vous y trouverez le Bourg-de-Four sous le double signe de l’austérité des « Colettines », ces Clarisses du 16e siècle qui priaient pour la tranquillité de la cité, et du bruit des casseroles de la Mère Lacroix, qui gâtait au 19e siècle, ses clients à l’Auberge de la Coquille. Vous vous promènerez, aussi bien dans les hauts lieux de l’économie genevoise de l’Ancien Régime et du 19e siècle, là où brillent des femmes exceptionnelles comme l’entrepreneuse Elisabeth Baulacre, que chez les femmes du peuple. Vous vous heurterez à la question de l’exclusion, par l’assignation de rues aux prostituées ou encore en prenant connaissance de l’accès difficile des filles à l’enseignement, notamment supérieur. Vous irez à la rencontre des écrivaines, des pionnières universitaires et militantes féministes, celles du début de ce siècle comme celles des années 1970. Vous découvrirez que Madame de Staël, bien que d’origine genevoise, avait fui Genève.
Date de parution : 30/05/1993